Cie La Faux Populaire

L’idée de couple à l’époque de l’invention du cabaret est construite sur l’héritage du modèle de dépendance de la femme à l’homme/pater familias. L’incarnation des prétendues-valeurs proprement masculines et féminines sont exacerbées par les apriori esthétiques et pseudos qualitatifs culturels (l’homme est fort, la femme est souple, l’homme est agile, la femme est gracile, etc…).
Le mot couple vient lui-même du latin “copula” (!) qui signifie lien, liaison. Mais cette réunion est basée sur quoi ? Un même toit ? Une sexualité commune ? L’amour ? On sait que cette dernière notion, totalement immatérielle, est absolument subjective et fluctue beaucoup dans sa durée…
Alors si ce n’est plus la nécessité, ni la loi, ni le sentiment religieux, qu’est-ce qui nous pousse à être en couple ? La première réponse est l’engagement affectif, sublimation de notre pulsion sexuelle somme toute assez basique ! La substitution de la notion de couple par celle, simplifiée, de l’amour, au XIX siècle, correspond à la révolution romantique dans l’art. La sensibilité de l’artiste doit s’exprimer au premier plan, avant la pureté de la forme académique ou un souci du réalisme.
Dès lors, l’autre du couple est comme l’oeuvre de l’un (et inversement!) ; on devient l’objet et le miroir de l’émotion, et on admire son propre sentiment amoureux. C’est la phase narcissique, le regard nombriliste et l’identification fusionnelle. Le couple devient l’expression des sentiments individuels (associés à l’exaltation et la “violence”) au-dessus des devoirs sociaux (associés à la stabilité et la sécurité). 
Avant, on était uni “pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort nous sépare”, alors qu’on admet facilement aujourd’hui l’idée de la réussite ou de l’échec de son couple ; l’idée même de la rupture est présente dès le début de la relation et est moins perçu négativement, simplement comme une étape constitutive du bon fonctionnement du couple. On débute son couple en imaginant sa fin probable, en espérant ne pas reproduire les mêmes erreurs des histoires antérieures.
Le but n’est pas de tirer un bilan, de peser le pour et le contre, de dire ce qui est bien ou mal… nous ne serions être des censeurs, il y en a suffisamment sur les réseaux sociaux et leurs algorithmes. 
L’enjeu de ce moment « de rencontre » entre les 120 convives et les 2 artistes est d’essayer par les évocations, les numéros, les situations de jeu, d’éclairer la dualité permanente de l’exercice du « vivre en couple » : suis-je (davantage) moi et quand ? Et moi de toi ? Et toi de moi ? Le moi de toi et le toi de moi, sont-ils plus le fruit de notre vécu commun ou plutôt celui engendré par le contexte social dans lequel il s’inscrit ? Simple jeu de miroirs ou infusion sociétale ?
Julien Candy